Pendant que l’Australie verrouille aujourd’hui l’accès des mineurs aux réseaux sociaux, la Chine rappelle son avance. Le pays a laissé prospérer des géants du numérique avant de remettre au centre le contrôle d’internet. En deux décennies, ses plateformes sont devenues un laboratoire des usages connectés, puis un terrain de reprise en main. Un parcours accéléré qui éclaire les débats actuels des démocraties occidentales sur la régulation des réseaux sociaux.
Une décennie de croissance numérique chinoise fulgurante
Au tournant des années 2000, selon bfmtv.com, la Chine compte encore peu d’internautes et un réseau balbutiant. En dix ans, la base d’utilisateurs progresse de 1 700 %, un saut rarement observé à cette échelle. Le taux de pénétration d’internet passe ainsi d’environ 2 % à près de 50 % en une décennie.
Au milieu des années 2010, le pays compte déjà 668 millions d’internautes, dont une majorité connectée par smartphone. Les habitants utilisent des super applications comme WeChat, Sina ou Weibo, mêlant messagerie, divertissement et achats. À Chongqing, des voies réservées aux piétons absorbés par leur écran illustrent la frénésie du défilement permanent.
Les plateformes nationales connaissent ensuite un âge d’or, porté par le e-commerce intégré et le live shopping. En 2020, la valeur du commerce numérique dépasse 170 milliards de dollars dans le pays, selon les estimations disponibles. Dans cet environnement foisonnant, la question du contrôle d’internet reste encore secondaire pour les autorités centrales.
Quand le contrôle d’internet devient priorité politique
Ce foisonnement finit par inquiéter le Parti communiste, qui voit émerger des acteurs numériques difficiles à encadrer. Les réseaux sociaux deviennent un espace où l’opinion se forme hors des médias, posant question de stabilité sociale.
En 2018, un forum sur la cybersécurité marque un tournant, quand Xi Jinping détaille une doctrine de gouvernance numérique. Le dirigeant veut associer comités du Parti, organes de l’État, entreprises et internautes dans un même dispositif de supervision. Les plateformes doivent selon lui diffuser des informations positives et orienter la société vers une direction politique précise.
Cette doctrine s’incarne dans la campagne contre le jeu en ligne, volet du contrôle d’internet voulu par le pouvoir. En 2021, les mineurs sont limités à une heure de jeu en ligne les vendredis, week-ends et jours fériés. Un éditorial qualifie alors certains jeux d’opium spirituel et déclenche une chute brutale du titre Tencent en Bourse.
Le contrôle d’internet en Chine face aux modèles occidentaux
Alors que ces mesures se durcissent à l’intérieur, les entreprises chinoises poursuivent leur expansion sur les marchés étrangers. Douyin donne naissance à TikTok, qui popularise auprès des adolescents occidentaux des algorithmes de recommandation très addictifs. Le contraste se creuse entre un espace numérique intérieur fortement encadré et une projection mondiale beaucoup plus libre.
Face à ces dynamiques, les démocraties occidentales réagissent plus tard et élaborent leurs propres outils de régulation. Aux États-Unis, les pouvoirs publics menacent de bannir TikTok ou d’imposer une cession de ses activités locales. L’Union européenne mise sur le DSA pour encadrer contenus et modèles économiques des plateformes, au nom des droits fondamentaux.
L’Australie choisit une autre voie en interdisant l’accès aux réseaux sociaux aux moins de seize ans. Au total, trois modèles se dessinent, entre libéralisme américain, cadre européen intermédiaire et numérisation étatiste chinoise. Dans chaque cas, le contrôle d’internet se trouve au croisement de souveraineté, santé mentale et libertés.
Un laboratoire numérique qui inspire et inquiète les démocraties
L’expérience chinoise montre comment un espace numérique laissé libre peut ensuite être rapidement recentré sous pilotage politique. Ce chemin, qui fait du contrôle d’internet un instrument de souveraineté, sert désormais de référence implicite. Les États-Unis défendent surtout la liberté d’expression, l’Europe cherche un équilibre, l’Australie avance par expérimentations successives. À terme, ces choix dessineront des internets plus ou moins ouverts, dont les lignes restent encore mouvantes.






